Rangiroa est situé dans l'archipel des Tuamotu.
Ancien
volcan effondré dans la mer, il ne subsiste plus que le haut du
cratère, d'une hauteur moyenne de 2m au dessus du niveau de la mer.
D'une vague forme rectangulaire, il renferme le deuxième plus vaste
lagon au monde, d'une superficie de plus de 200 km². Au nord se situe
une langue de terre entre deux passes : Avatoru et Tiputa.
C'est
dans ces passes que se déroulent les plongées. La majorité des clubs
sont situés à Tiputa. Par courant rentrant, la plongée s'effectue dans
la passe ou en amont de la passe. Il faut savoir que le fonds côté
océan descend très rapidement à des profondeurs vertigineuses. Par
courant sortant, se crée un mascaret puissant, dans lequel vient jouer
le ban de grands dauphins Tursiops sédentaires de Rangiroa. Mais les
plongeurs éviteront à tout prix le milieu de la passe pour se
concentrer sur les côtés, au risque sinon se retrouver entraîné vers
l'Australie, ou à 70m de profondeur.
Mars 2001
–
Je suis avec un médecin français habitant Papeete, N3 comme moi. Notre
moniteur va nous emmener faire la traversée de la passe. Grand soleil,
mer calme, courant rentrant, eau à 29°. Mise à l'eau à peu près au
milieu de la passe, direction vers le récif situé sur la gauche.
Descente dans le bleu, dans la zone des 30m. Puis début du palmage.
Au
bout de 5/10 mn apparaissent les premiers signes que nous approchons
des murs de la passe, sous forme de poissons chirurgiens. Nous
descendons encore, dans la zone des 45 / 50m. Et alors le spectacle est
tellement incroyable que nous nous regardons avec mon binôme pour
vérifier que nous ne narcosons pas.
Le fonds de la passe que nous
apercevons enfin (le fonds est à 70/80m) est littéralement couvert de
requins gris. Il y en a plus d'une centaine, en perpétuel mouvement,
allant et venant en tout les sens. D'ailleurs, comme nous nous
stabilisons à 50m, une demi-douzaine quittent le fonds à la queue leu
leu et viennent faire un petit tour vers nous, par curiosité sans
doute, ou peut-être pour nous souhaiter la bienvenue. Au fonds de la
passe, sur certains endroits sablonneux, je distingue quelques requins
dormeurs. Mais il y a plus.
Quand on regarde la sortie de la passe
côté océan, c'est comme si, sur un écran noir de 30 m de haut sur 50 m
de large, défilaient du gris, du gris et encore du gris, se croisant ,
se recroisant dans tout les sens. Dans ces conditions, c'est très
difficile de se faire une idée du nombre total d'animaux, mais je pense
qu'on doit approcher les 300 requins. C'est un spectacle
extraordinaire.
Mais ce n'est pas tout.
Je regarde mon binôme et lui fait signe
de se retourner : juste derrière lui vient de se déployer le ban des
grandes bécunes. Il s'agit d'un cousin du barracuda, tous gros comme ma
jambe, il y en a environ 250, et ils spiralent sur 30m de hauteur. Mais
ce n'est pas tout : appel du moniteur : un couple de Tursiops passe à
10 m de nous, ils foncent dans la passe vers l'océan, ils traversent le
banc de requins sans problème et disparaissent.
Dernière
surprise : quelques minutes après, surgit des profondeurs de l'océan
une magnifique manta, gracieuse comme toujours, bien qu'elle ne traîne
pas trop longtemps dans les environs. Mais les minutes défilent, les
paliers s'accumulent, il est temps de commencer la remontée dans la
passe, de se faire avaler par le courant rentrant et de faire les
paliers dans l'Aquarium, au milieu des centaines de poissons coralliens
multicolores.
Mars 2001 – le surlendemain
Mon binôme est reparti à Papeete, mais tout émoustillé par les
plongées précédentes, quand le moniteur propose de refaire la traversée
de la passe, je ne dis pas non ( !). Mêmes conditions méteo, je suis le
seul plongeur, mise à l'eau, direction la Marche. Arrivée sur site, la
déception est de taille : pas grand-chose à voir, la passe est à peu
près déserte. Après quelques minutes passées à ruminer ce coup du sort,
appel du moniteur me désignant le fonds de la passe : élégant,
puissant, ondulant tout en souplesse, un splendide spécimen de Grand
Marteau est en train de traverser la passe en direction de l'océan. Je
le suis du regard jusqu'à sa disparition. Je me retourne pour vérifier
si par hasard, il n'y en aurait pas un autre qui suivrait, et là,
grande surprise, il y au moins une trentaine de gris qui viennent de
surgir, comme par enchantement. Le moniteur m'expliquera que le grand
marteau est la terreur des autres requins car s'il se délecte des
raies-léopards, il ne dédaigne pas un en-cas de temps en temps à base
de ses congénères, et que ceux-ci préfèrent éviter de se retrouver en
sa compagnie pour le moins douteuse.